24 février 2011

AUTHENTICITE DU FAUX

[AUTricHE+aNTarctICa+arabiesaoudITE+DUbaï
+burkinaFAso+benelUX]

(1) L’authenticité d’un numéro d’oxo n’est pas définie par sa matérialité mais par sa présence dans le répertoire officiel des abonnés. Par conséquent, la copie d’un numéro d’oxo est considérée comme authentique si elle remplace un original perdu ou détruit [cf. Format, Reproduction].
(2) Série de tableaux ou de sculptures revendiquant intrinsèquement leur état de faux. Ex. "Faux Kosuth" [> oxo 2].
(NB. Cette définition est réactivée par la diffusion sur France Culture de l'émission "Portrait d'un faussaire" consacrée à Guy Ribes.)


[Annexe]
Eric Hebborn, qui était considéré comme l'un des plus grands faussaires du monde, est mort le 10 janvier 1996. Nombre de ses dessins ont été vendus comme d'authentiques Bruegel, Corot ou Piranèse, et sa disparition laissera désormais planer un doute définitif sur la véracité de certains chefs-d'œuvre. Cette difficulté croissante à distinguer le vrai du faux pose la question de l'essence même de l'authenticité : quand l'immense majorité du public ne peut pas faire la différence entre un authentique et un non-authentique et que même les experts se laissent berner, où se situe exactement la frontière entre authenticité et conviction d'authenticité ? Autrement dit, le plus important est-il qu'une œuvre soit authentique ou que l'on soit convaincu de son authenticité ? Cette qualité ne serait-elle qu'une cosa mentale ? Ou serait-elle devenue secondaire parce que trop difficile à vérifier ?
Le marché de l'art semble avoir pris les devants avec l'apparition d'enseignes spécialisées dans la copie de toiles de maîtres. A Paris, la Museum Collection (place Vendôme) et la galerie Troubetzkoy proposent un Van Gogh ou un Gauguin pour quelques milliers de francs et la clientèle afflue. On préfère acheter un faux Picasso plutôt qu'un vrai Ducorroy et un faux Matisse plutôt qu'un vrai Kimura. Le faux s'est en quelque sorte institutionnalisé, on l'a réhabilité, après des décennies de honte où les faussaires, tels Fernand Legros, purgeaient de longues peines de prison quel que fût leur génie.
Ce que l'acquéreur achète, c'est évidemment la matérialité de l'œuvre, ses coups de pinceaux, ses couches de peinture, ses couleurs. Il n'en acquiert ni l'esprit, ni l'histoire, garants d'authenticité, même s'il est convaincu du contraire grâce aux émotions qu'il ressent face à la toile, comme si l'authenticité de l'œuvre se situait ailleurs que dans son authenticité.
Peut-être cette sensation est-elle rendue plus crédible par la forme même de l'œuvre copiée : on peut effectivement ressentir une émotion visuelle face à un faux Van Gogh si l'on fait abstraction de son passé : tout se joue dans l'œil et dans une partie du cerveau où l'émotionnel l'emporte sur le rationnel. Qu'en serait-il avec une œuvre jugée moins "rétinienne", comme un statement de Lawrence Weiner, un blow up de Joseph Kosuth ou une définition-méthode de Claude Rutault ? L'authenticité semble a priori essentielle pour chacune de ces œuvres, mais comme l'histoire finit par sacraliser les objets y compris les objets secondaires, on finira par donner autant d'importance à l'inscription sur un mur d'un statement de Weiner qu'au statement lui-même, au blow up de Kosuth qu'au contenu du blow up, et au tableau réalisé par l'acheteur d'un certificat de Rutault qu'à la définition elle-même. Et par conséquent des faussaires vendront de fausses inscriptions murales, de faux blow ups, de faux isochromes. Il faut croire que l'émotion ressentie alors sera du même ordre que celle rencontrée face à un faux Van Gogh, puisqu'il y aura toujours des acheteurs pour acquérir ces faux.
Mais il est peut-être important, pour comprendre ce phénomène, de redéfinir ce qu'est vraiment l'authenticité. L'authenticité est évidemment la qualité d'une œuvre émanant réellement de l'auteur auquel on l'attribue. Un Van Gogh authentique est un Van Gogh réellement exécuté par Van Gogh. Et même si, depuis la Renaissance, l'œuvre n'est pas forcément réalisée matériellement par l'artiste mais par son atelier, son intention suffit à lui assurer la paternité de l'objet. Il arrive même, paradoxe suprême, que l'authenticité d'une œuvre soit reconnue à un objet non réalisé par l'artiste parce que ce dernier en aura décidé ainsi, tandis qu'un objet créé de ses propres mains ne sera pas authentique quand il ne lui aura pas accordé volontairement le statut d'œuvre d'art. Nous avions envisagé, il y a quelque temps, d'acquérir le local du 11 rue Clavel appartenant à Claude Rutault ; ce dernier rédigea quelques notes relatives aux charges de copropriété et nous remit ce morceau de papier à titre d'information ; eh bien, aussi étonnant que cela puisse paraître, ce bout de papier n'est pas un authentique Rutault, tandis que les toiles peintes non par lui-même mais par ses collectionneurs suivant le principe de la définition-méthode seront, elles, considérées comme des authentiques ! Reste qu'à l'instar des dessins que Picasso laissait sur les nappes pour payer ses additions, les quelques lignes consacrées par l'artiste au 11 rue Clavel finiront sans doute un jour par être fétichisées par quelque fanatique et gagneront, par conséquent, leur certificat d'authenticité.
L'authenticité, c'est évidemment aussi, seconde acception, la qualité de ce qui mérite d'être cru (du verbe croire), de ce qui est conforme à la vérité. Ce qui est en question ici n'est plus la volonté de l'artiste mais la capacité de son œuvre à provoquer un sentiment de vérité, de sincérité. Beaucoup d'artistes travaillent à être sincères, même si cela les pousse parfois à faire preuve d'un peu de roublardise, une ambivalence dont le peintre Ben Vautier pourrait être le meilleur exemple. La recherche de vérité est un des fondements de son œuvre, notamment lorsqu'il peint des tableaux d'une simplicité quasi biblique : en 1965, Ben écrit le mot "toile" sur une toile, puis le mot "noire" sur une toile noire. Mais un goût prononcé pour la contradiction l'a déjà poussé à écrire en 1959 "Je suis un menteur", fameux paradoxe qui veut qu'en avouant cela on démontre le contraire (quand j'avoue que je suis un menteur je dis la vérité, et donc je ne suis pas un menteur) et donc le contraire du contraire (je dis que je suis un menteur alors que je ne suis pas un menteur donc je suis un menteur). Avec ses tableaux autodéfinis, Ben commence à défricher un terrain qui mobilisera bon nombre d'artistes en cette seconde moitié du vingtième siècle : le recherche de la vérité. Et notamment la vérité intérieure du tableau (voir également ce que l'on pourrait considérer comme l'ancêtre des tableaux autodéfinis de Ben, qui tente de réconcilier vérité objective liée au tableau et vérité subjective liée au spectateur : "Je suis noir et beau", 1959), celle qui doit rejeter toute perturbation issue du monde extérieur, et dont on retrouve une préoccupation quasi obsessionnelle chez des artistes aussi différents que Joseph Kosuth (qui produit également en 1965 une œuvre autodéfinie : "Self-described and self-defined") et BMPT (en 1967, les quatre membres du groupe stigmatisent la peinture qui les a précédés en déclarant que "l'art est illusion [...] l'art est faux"). L'authenticité serait donc cette forme d'intégrité poussée à son paroxysme et qui par là voudrait montrer sa supériorité sur toute autre forme d'expression.
On n'est pas très loin du "Dieu est vérité" biblique ; comme Dieu est tout-puissant, la Vérité est tout-puissante et n'admet aucune contradiction. C'est sans doute la raison pour laquelle, dans notre société, la vérité continue d'être portée au pinacle, tandis que le mensonge est très mal vu. Un Van Gogh authentique sera toujours considéré comme supérieur à une copie de Van Gogh ou à un faux à la manière de, même si les qualités intrinsèques des tableaux sont équivalentes. Or ce qui est en cause ici, c'est bien la première définition de l'authenticité : on reproche bien plus au tableau de ne par avoir été désiré par le peintre que d'être incapable de provoquer des sentiments sincères d'ordre esthétique.
La question est donc de savoir quelle authenticité a plus de valeur que l'autre. Ce que l'on reproche à un faux Van Gogh, ce n'est pas sa valeur intrinsèque, sa sincérité picturale, mais bel et bien sa volonté de se faire passer pour ce qu'il n'est pas. On rétorquera que les copies vendues officiellement dans les galeries citées plus haut n'ont pas cette prétention : elles admettent leur état de copie. Mais le dire sans conviction, est-ce suffisant ? Un esprit mal intentionné aura toujours la possibilité d'induire le spectateur en erreur, grâce à l'apparence très réaliste du tableau. Pour un faux, la seule manière de gagner son statut de pièce authentique serait non seulement de dire son état de faux, mais de le revendiquer haut et fort, d'en faire son essence même. De fait, le faux gagne en authenticité non plus lorsqu'il tente d'être fidèle à son modèle mais lorsqu'il assume totalement son état de faux. Cela peut sembler paradoxal, mais un faux qui se définit comme faux est aussi authentique qu'un authentique : on en revient au paradoxe du menteur qui s'avoue menteur.
Reste que l'appellation "faux authentique" est pour le moins équivoque. En disant "faux authentique", la langue française révèle un autre paradoxe dû au placement de l'adjectif par rapport au substantif. Alors qu'en anglais ou en allemand l'adjectif se place toujours devant le nom, le français le place soit devant soit derrière, au risque de provoquer quelque ambiguïté. Le contresens est certes limité lorsque le nom est nom et l'adjectif adjectif (voir le célèbre exemple un grand homme / un homme grand). Mais dès lors que les deux mots sont potentiellement adjectifs et substantifs, la confusion devient possible. Un "faux authentique" peut se comprendre de deux façons : 1) un faux qui est authentique ; 2) un authentique qui est faux (dans ce cas, authentique a été substantivé). C'est pourquoi on choisira d'ajouter un adverbe, tel que "parfaitement", pour définir le sens de l'expression : 1) un faux parfaitement authentique ; 2) un authentique parfaitement faux.
Ce qui permet de définir quatre types d'œuvres :
a) les authentiques parfaitement authentiques ;
b) les authentiques parfaitement faux ;
c) les faux parfaitement authentiques ;
d) les faux parfaitement faux.
Quatre catégories dont voici des exemples :
a) Authentique parfaitement authentique : un blow up réellement conçu par Joseph Kosuth : "Titled (Art as Idea as Idea)", définition du mot "Image" (1968).
b) Authentique parfaitement faux : une copie à l'identique du tableau a) qui tenterait ou qui pourrait tenter de se faire passer pour le tableau a).
c) Faux parfaitement authentique : un blow up inspiré de l'œuvre de Joseph Kosuth, qui revendiquerait son état de faux en s'autodéfinissant par la représentation de la définition du mot "faux" tirée d'un dictionnaire : "FAUX n. m. Ce qui est contraire à la vérité. Imitation frauduleuse d'un tableau, d'un objet d'art, d'un acte, d'un timbre, d'une signature, etc." Pour renforcer la revendication de l'état de faux, le blow up serait accompagné d'un certificat garantissant sa qualité de faux parfaitement authentique.
d) Faux parfaitement faux : une copie à l'identique du tableau et de son certificat définis au point c) avec la volonté potentielle ou réelle de se faire passer pour eux.
Ce sont évidemment les deux dernières catégories qui nous intéressent plus particulièrement, les deux premières ayant été largement explorées par l'histoire de l'art. On pourrait multiplier les exemples et imaginer un musée du "Faux parfaitement authentique" doté d'objets réalisés comme suit :
1) Faux Kosuth
Voir ci-dessus.
2) Faux Ben Vautier
Sur une toile noire, inscrire en blanc à la manière de Ben la phrase suivante : "faux Ben". Placer le mot "Ben" sous le mot "faux" afin d'offrir au mot "Ben" la double qualité de signature (le mot "faux" signé "Ben") et de substantif ("faux Ben" = un faux Ben = une fausse toile de Ben). Anéantir cette ambiguïté en plaçant à proximité un certificat garantissant la qualité de faux parfaitement authentique.
3) Faux Joël Ducorroy
Faire composer le mot "contrefaçon" sur une plaque minéralogique noire, tout en ayant à l'esprit que la cédille n'existe pas dans ce type d'écriture. Placer cette plaque au milieu de quatre autre plaques et faire encadrer l'ensemble. Placer à proximité un certificat garantissant la qualité de faux parfaitement authentique.
4) Faux Marcel Duchamp
Acheter une faux au BHV et inscrire sur sa lame la signature "Marcel Duchamp". Par cette action, faire en sorte que la faux devienne le faux, de même que Marcel Duchamp devient Rrose Sélavy. Placer à proximité de la faux un certificat garantissant la qualité de faux parfaitement authentique.
5) Faux Mel Ramsden (Art & Language)
Placer à côté d'une petite toile blanche un certificat décoré d'une frise et contenant le texte suivant : "This painting is certified to be a false Mel Ramsden's Guaranteed Painting". Placer à proximité du certificat un autre certificat garantissant la qualité de faux parfaitement authentique.
6) Faux Barbara Kruger
Sérigraphier sur une toile blanche : 1) en noir : la photo d'un visage recouvert de deux mains aux ongles vernis. 2) en lettres blanches sur des cartouches rouges : les mots "Forgery for sale" ("contrefaçon à vendre"). Placer à proximité un certificat garantissant la qualité de faux parfaitement authentique.
7) Faux Marcel Broodthaers
Inscrire sur une petite plaque carrée la phrase suivante : "100 - This is not a Marcel Broodthaers' work of art". Placer en regard de cette plaque un certificat garantissant la qualité de faux parfaitement authentique.
8) Faux Bruce Nauman
Placer sur une plaque de bois peinte en noir trois néons colorés composant les phrases suivantes : LIE AND LIVE / LIE AND LIE / LIE AND DIE (mentir et vivre / mentir et gésir / mentir et mourir). Placer à proximité un certificat garantissant la qualité de faux parfaitement authentique.
9) Faux Lawrence Weiner
Peindre en lettres capitales noires sur un mur blanc le statement
suivant : "Many forgeries placed side by side to form a row of many forgeries" ("De nombreux faux placés les uns à côté des autres pour former une rangée de nombreux faux"). Eventuellement, placer sur les autres murs de la salle les objets décrits aux points 1 à 8 les uns à côté des autres afin de former une rangée de faux parfaitement authentiques. Placer à côté du statement un certificat garantissant la qualité de faux parfaitement authentique dudit statement.
Avec ces exemples, tout porte à croire que le faux parfaitement authentique pourrait être la manifestation ultime de l'authenticité. Il serait plus vrai que l'authentique parfaitement authentique, parce que ce dernier porte en lui le germe du mensonge, en revendiquant naturellement son caractère authentique alors qu'il prend le risque d'être le modèle d'un authentique parfaitement faux.
Le faux parfaitement authentique, en revendiquant son état de faux, hérite de l'authenticité de son modèle authentique authentique mais lui est supérieur, parce qu'il porte aussi en lui le germe du mensonge (le faux parfaitement faux) mais que le mensonge est sa véritable nature, son authenticité profonde.
Surtout, le faux parfaitement authentique réussit là où les autres ont échoué : la qualité intrinsèque du tableau devient primordiale et place au second plan la volonté de son auteur. L'authenticité intrinsèque du tableau qui revendique son état de faux l'emporte sur l'authenticité de l'attribution à tel ou tel artiste, puisque en l'occurrence l'artiste évoqué n'est jamais le véritable auteur. Le faux Kosuth ne cherche pas son authenticité dans une éventuelle attribution à Joseph Kosuth mais dans sa qualité propre. Le faux Ben ne cherche pas son authenticité dans une éventuelle attribution à Ben Vautier, mais dans sa qualité propre, qui est celle d'être un faux parfaitement authentique.
L'écueil de la paternité reste pourtant bel et bien présent. Les auteurs du présent texte, qui sont par conséquent les auteurs des faux parfaitement authentiques, auront-peut-être la tentation de réaliser quelques-uns de ces faux. S'ils ne le faisaient pas, d'autres le feraient peut-être : la concrétisation de cette idée par d'autres serait-elle alors considérée comme une série de faux parfaitement authentiques ou bien, plus logiquement, comme une série de faux parfaitement faux ? La question ultime étant : le faux parfaitement faux peut-il être la copie d'un faux parfaitement authentique qui n'a jamais été réalisé auparavant ?
Cette angoissante question, ce vertigineux paradoxe nous inciterait plutôt à réaliser tout ou partie de ces pièces, non seulement parce que l'absence de réponse nous plonge dans un gouffre de doute insupportable, mais aussi parce que l'idée nous exalte d'imaginer que des fils spirituels d'Eric Hebborn, dans quelques décennies, entreprendront de copier nos faux parfaitement authentiques et créeront, pour la première fois dans l'histoire, des faux parfaitement faux, quintessence d'un mensonge qui dit par deux fois sa propre vérité.
Pascal Le Coq + Kitschcock 080796
PS. Comment nommer un "Faux Kosuth" qui serait réalisé par Kosuth lui-même ?

18 février 2011

ANAMERIQUE

[ANgola+cAMERoun+mexIQUE]
(1) Adjectif unique pouvant décrire deux positions paradoxales adoptées dans oxo : d’une part l’utilisation de titres anglo-américains dans le but de donner à l’expérience oxo une dimension internationale, d’autre part l’exclusion de ce type d’expression dans le but de résister à la culture dominante.
(2) Ensemble de signes digitaux offrant une double lecture : numérique dans un sens et littéraire dans l’autre. Les trois anamériques de neuf lettres existant dans la langue française (“bobsleigh”, “illisible” et “isoglosse”) permettent de définir de manière intrinsèque le principe anamérique [> oxo 1].



[Annexe]
Tapez 713705 sur une calculatrice et retournez-là : le mot “soleil” apparaît. Cette trouvaille amusa beaucoup de monde dans les années 70 et des artistes tels que Marcel Jacno ou plus tard BP utilisèrent le principe dans leur travail. Ce procédé n’échappa pas à l’Ouvroir de littérature potentielle qui classa le phénomène au rayon des palindromes verticaux, ces mots qui conservent leur sens même lorsqu’on leur fait subir une rotation de 180 degrés. En l’occurrence, il serait plus juste de parler ici d’anacyclique, dans la mesure où le mot obtenu par la magie du renversement est différent du chiffre qui lui sert de base, tandis qu’avec le palindrome, la double lecture, qu’elle soit horizontale (“Esope reste ici et se repose”), verticale (“nounou”) ou les deux à la fois (“SOS” ou “oxo”), permet de retrouver les mêmes mots. C’est pourquoi nous parlerons plutôt d’“anacyclique vertical alphanumérique” ou, pour simplifier, d’“anamérique”.
La double lecture verticale de l’anamérique est rendue possible grâce au dessin très particulier des signes digitaux présents sur le cadran des calculatrices électroniques à cristaux liquides. Lus à l’envers, ces chiffres permettent d’interpréter un mini-alphabet composé des lettres suivantes :
0 = O
1 = I
2 = Z
3 = E
4 = h
5 = S
6 = g
7 = L
8 = B
9 = G
A partir de là, il est relativement simple d’établir la liste de ces chiffres-mots*, que l’on estimera à environ trois cents dans la langue française (noms propres et communs), des variations pouvant intervenir selon le dictionnaire utilisé comme base de recherche.
Outre le fait qu’il détermine un vocabulaire exigu autorisant l’écriture d’une poésie un peu étrange et surréelle (comme le fit par exemple Jérôme Peignot au début des années 90), l’anamérique présente un intérêt troublant pour qui prend la peine d’en examiner attentivement la liste.
Première observation : les plus longs anamériques ne comportent jamais plus de neuf lettres. Pourquoi neuf ? Peut-être parce que c’est le dernier des chiffres, celui qui se situe à la frontière de la liste décimale, comme si cette limite devait régir avec la même rigueur mathématique les mots issus des chiffres. Quoi qu’il en soit, on compte un total de trois anamériques de neuf lettres : il s’agit des mots “bobsleigh”, “illisible” et “isoglosse”.
Ce qui permet de faire une autre observation : ces trois mots issus du hasard, qui sont donc les anamériques les plus longs, se suffisent à eux-mêmes pour définir les principales propriétés de l’anamérique.
Ainsi :
1) Bobsleigh (461375808 = BOBSLEIgh) : de l’anglais “bob”, balancer, et “sleigh”, traîneau, le bobsleigh est cet engin qui se balance de droite à gauche et de gauche à droite pour glisser à grande vitesse. L’anamérique fonctionne exactement selon ce principe : c’est en effet le balancement de la lecture (envers endroit, endroit envers) qui provoque le glissement sémantique propre à l’anamérique, lui permettant ainsi de traîner dans son sillage un double sens, celui du nombre et celui du mot.
2) Illisible (378151771 = ILLISIBLE) : les anamériques sont toujours indéchiffrables au premier abord et constituent une sorte de langage crypté qui n’est pas sans rappeler l’écriture-miroir de Léonard de Vinci ou, de manière plus proche, les messages secrets échangés par Oona Hoffnung et Nephtys Marie Allant dans Les verts champs de moutarde de l’Afghanistan de Harry Matthews. Une illisibilité temporaire pour quiconque est initié, certes, mais une illisibilité réelle pour qui ne sait pas dé-chiffrer, autrement dit abandonner l’idée de chiffre et de nombre au profit de l’idée de lettre et de mot.
3) Isoglosse (355076051 = ISOgLOSSE) : ce terme désigne une ligne séparant deux aires dialectales qui offrent pour un trait linguistique donné des formes ou des systèmes différents (prononciation, écriture, sens, etc.). Dans le cas de l’anamérique, les deux lieux sont d’une part l’aire numérique (champ des chiffres) et d’autre part l’aire alphabétique (champ des mots). Le fait de langue concerne ici la graphie des termes considérés (355076051 utilise les mêmes signes que ISOgLOSSE), la différence intervenant à trois niveaux : orientation de la lecture, prononciation et contenu sémantique.
Ainsi les trois principales caractéristiques de l’anamérique sont-elles autodéfinies. Une autarcie qui porte à s’interroger sur le sens du hasard. La présente exégèse appliquée à l’univers des chiffres et des lettres laisse entrevoir une forme d’humour où le hasard, en effet, n’est plus tout à fait innocent. Des dieux poètes et calculateurs se sont-ils amusés, il y a quelques millénaires, à jeter des ponts entre ces deux mondes radicalement opposés, celui des nombres et celui des mots ? Ont-ils, du haut de leur tour de Babel, soufflé ces mots à double sens et ourdi le principe anamérique pour qu’à la fin du xxe siècle, des écoliers plongés dans leurs Larousse et leurs Texas Instruments puissent inscrire le nombre 713705 et observer le SOLEIL en face ? Ce mystère reste et restera entier, comme tous les nombres du même nom.
Pascal Le Coq + Kitschcock
*

17 février 2011

Dans oxo tout est cyclique


[Actualisation d’oxo 1233]

16 février 2011

LCOOAACC

[Libye+Côted’ivoire+Oman+Oman+Afghanistan+Afghanistan
+Cameroun+Cameroun]

(1) Anagramme d’une entreprise qui, en achetant le nom “Collector” au milieu des années 1990, a permis le financement des dix premiers numéros d’oxo [cf. Collector, Exemplaire provisoire].
(2) Initiales de “Logotype Célèbre OOpéré AA CCasablanca” [> oxo 15] [> oxo 1258].





11 février 2011

Polygramme polychrome


“Tout est dans tout et réciproquement
Tu démontres tout par cette question”


“J’ai douze chantiers comme Hercule a douze travaux”


“Francis Picabia Martin Kippenberger Pascal Le Coq”

10 février 2011

Ben Loves Testosterone



Courtesy Galerie Lara Vincy, Paris

07 février 2011

Polygramme polychrome













































Bonus oxo 1250 (Polygramme “Didier Mathieu”, “Pays-Paysage”, “Antoine Moreau”, “Anne Mœglin-Delcroix”, “William Fischer”, “Unglee Unglee”, “Jacqueline Hurel”, “Véronique Mermaz”, “Lionel Péneau”, “Bernard Heidsieck”, “Liliane Vincy”, “Youri Mornay”, “Bibliothèque Kandinsky”, “Daniel Deswarte”, “Bibliothèque Thionville”, “Kl. Loth”, “Edouard Fauve”, “Brigitte Minette”, “Pierre Monjaret”, “Frac Bretagne”, “Elizabeth Couturier”, “Karine Myotte”, “Benoit Carré”, “Olivier Van de Calseyde”, “Philippe Lepeut”, “Hubert Renard”, “Leszek Brogowski”, “Anna Gnitiva”, “Olivier Monné”, “Fausto Polacco”, “Mauro Maiorano”, “Patrick Falfus”, “Cécile Cabal”, “Corwin Falfus”, “Hermine Falfus”, “Anastasia Korikov”, “Thibault Viort”, “Sigrid” + “Xavier” [de Montrond], “Marie Boivent”, "Aurélie Noury", "Gilbert Descossy").